Monsieur le Ministre,
L’Education a été au coeur des débats de ces derniers mois.
Notre système éducatif a subi des dégradations en profondeur ces dernières années, qui loin de la nécessaire démocratisation, ont aggravé les inégalités et le nombre de sorties d’élèves sans qualification reste trop important.
Or, notre société évolue, ses besoins se diversifient, les savoirs se complexifient, les élèves changent. L’Etat a la responsabilité de donner aux futures générations les outils d’émancipation pour faire face aux défis de demain.
Pour la FSU, cela nécessite de transformer le fonctionnement du système éducatif. Elle s’est largement exprimée sur l’idée d’un nouveau pacte éducatif et les propositions qu’il recouvre.
Le Président de la République fait de l’Education une priorité. La FSU, première fédération de l’Education nationale, ne peut que s’en féliciter.
Une loi d’orientation et de programmation est prévue ainsi que la création de 60 000 postes dans l’Education nationale durant les 5 années à venir.
La FSU n’a cessé ces dernières années d’affirmer qu’il faut concilier le qualitatif et le quantitatif. Les moyens qui seront mis en oeuvre doivent donc l’être pour assurer la réussite d’une politique éducative ambitieuse.
De manière urgente, il faut assurer que la prochaine rentrée scolaire se fasse sous d’autres auspices.
Notre système éducatif a besoin de retrouver stabilité et sérénité. Les personnels doivent mieux être reconnus dans leur professionnalité.
Des décisions qui seront autant de signaux du changement attendu doivent être données rapidement : abrogation du décret sur l’évaluation des enseignants, abandon du LPC, réécriture de la circulaire de rentrée, ouverture de discussions pour revoir les dispositifs d’évaluation des élèves…
L’annonce de la réforme de la formation des enseignants doit être faite rapidement ainsi que de premières mesures pour permettre aux stagiaires de meilleures conditions d’exercice et de formation dès la prochaine rentrée (heures second degré, premier degré…). Il est également urgent de travailler très vite à la question des recrutements pour assurer un vivier de personnels. Les pré-recrutements sont en ce sens un outil primordial.
La nouvelle d’orientation doit donner le cap de la politique éducative pour les prochaines années.
L’objectif doit être de permettre à chaque jeune de réussir sa scolarité et de sortir du système éducatif avec une qualification. Il faut en finir avec la compétition scolaire et la sélection précoce. Les systèmes éducatifs les plus performants sont les plus équitables, proposant une longue scolarité commune.
Il est nécessaire pour cela de repenser les contenus d’enseignement afin que tous les élèves y trouvent du sens et pour qu’ils répondent mieux aux exigences de notre temps.
Ils doivent intégrer toutes les dimensions d’une culture commune conçue pour tous et pour chacun. Il revient en effet à l’Ecole de garantir à chaque élève l’accès et la maîtrise des connaissances et de la culture (littéraire, scientifique, économique et sociale, artistique, nouvelles technologies, sportive, technologique, professionnelle…) et en particulier pour ceux qui n’ont que l’école pour les acquérir.
Il faut permettre aux enseignants de pouvoir mieux agir dans la classe, car c’est là que se jouent les apprentissages. Il faut donc permettre un autre exercice des métiers de l’éducation pour, tout au long de la scolarité, prévenir les difficultés sur le temps scolaire, et diversifier les pratiques. Cela suppose le développement de pratiques professionnelles permettant une meilleure prise en charge de tous les élèves : travail en équipe, en petits groupes, interdisciplinaire, co-interventions sur un groupe classe, plus de maîtres que de classes, Rased, reconnaissance du temps de concertation des personnels, meilleures articulations entre les niveaux, nouvelles passerelles entre les différentes voies et séries, reconnaissance du rôle et de la place de l’ensemble des personnels et constitution de véritables équipes pluri-professionnelles (assistants sociaux, conseillers principaux d’éducation, conseillers d’orientation psychologues, infirmières, médecins scolaires, enseignants, personnels administratif et ouvrier).
Les apprentissages ne peuvent qu’être confortés par les interventions et le renforcement du rôle de ces personnels dans un contexte de difficultés économiques et sociales où les transformations de la société ont des répercussions sur la scolarité des élèves.
L’enseignement professionnel public doit enfin être connu et reconnu. Il doit pouvoir participer activement à l’objectif de diminution du nombre de jeunes sortis sans qualification. Il est urgent de lui donner les moyens de faire réussir ses élèves qui sont bien souvent les plus en difficultés. Les lois « Cherpion » qui remettent en cause la scolarité obligatoire en développant l’apprentissage à 14 ans et qui créent une inégalité de traitement entre ces différentes voies de formation professionnelle initiale doivent être abrogées. Nous souhaitons pouvoir discuter rapidement de la mise en place de la généralisation du baccalauréat professionnel en trois ans.
Pour mener à bien ces évolutions, la FSU juge indispensable de revenir sur la gouvernance, le pilotage et l’évaluation du système éducatif.
Il sera nécessaire de refonder l’Education prioritaire.
Les dispositifs Eclair, pas plus que les internats d’excellence ne répondent aux besoins des quartiers défavorisés où se concentrent les difficultés scolaires. Reconstruire une éducation prioritaire, c’est centrer des efforts sur ces territoires pour compenser les inégalités : sectorisation, effectifs, encadrement, conditions de travail, scolarisation des tout-petits…
La santé des personnels est aussi une préoccupation majeure.
Or, les enquêtes que nous avons menées, notamment avec nos partenaires du carrefour social, montrent que les RPS et les TMS frappent lourdement les personnels de l’éducation. La médecine de prévention est sinistrée et les visites médicales « obligatoires » ne sont pas mises en oeuvre. Les recrutements de médecins et d’infirmières, de psychologues et d’assistantes sociales seront indispensables. Par ailleurs la mise en place des CHSCT crée une nouvelle dynamique positive, mais qui nécessite des moyens pour les représentants du personnel et notamment pour le secrétaire du CHSCT (décharge fonctionnelle) afin que ces instances puissent jouer tout leur rôle.
Enfin, la revalorisation des métiers de l’éducation est une attente forte des personnels. C’est une question de reconnaissance, de justice sociale mais aussi un élément d’attractivité.
L’éducation est une responsabilité collective, un enjeu pour l’avenir de notre société et de notre jeunesse. C’est aussi un défi culturel et humaniste, un enjeu de démocratie. Dans le contexte de crise, c’est un investissement d’avenir.
C’est pourquoi, Monsieur le Ministre la FSU demande à être reçue rapidement sur l’ensemble de ces questions. Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de mes salutations respectueuses.
Bernadette GROISON